Mais qu'est-ce qui m'a pris de me lancer dans cet abécédaire de la mémoire et de la biographie ? Cadeau, Distance, Enregistreur, Finalité, Gâteau sucré, Histoire, voilà les six mots de la semaine (le challenge Geneatech est off le dimanche). Inutile de préciser que vous avez le droit de picorer !
C… Cadeau
🥸 « Jeune » biographe, je n’ai pas eu le cas de figure. Toutefois, si j’en crois les amis de Biographicus, il n’est pas rare qu’une biographie ne soit pas payée par la personne appelée à se confier, mais offerte par ses enfants ou petits-enfants. Soit parce qu’ils souhaitent connaître la vie d’avant de leur aïeul, soit parce qu’ils veulent lui dire que cette vie compte pour eux (soit les deux)
🍋🟩 Attention au cadeau empoisonné. On n’oblige pas quelqu’un à se raconter. Un extracteur de jus ou l’intégral de Michel Sardou, au pire, on les range dans un placard ou on les revend en douce. La prestation de biographie, c’est plus délicat alors si vous êtes tentés, je ne veux pas vous décourager. Ce cadeau peut être formidable. Mais prenez le temps d’ici Noël de tester l’idée auprès du narrateur potentiel.
Petit rappel au passage. Qui peut le plus peut le moins. Le cadeau peut être une biographie complète (à l’écrit ou en podcast, comme dirait l’autre. L’autre étant moi en fait), ou le récit de quelques souvenirs qui correspondent à une période de vie, à un événement marquant.
Autre cadeau que chacun peut se faire illico pour réfléchir à tout cela, le magnifique ouvrage collectif de Biographicus sorti mi-octobre « La biographie racontée par les biographes »
D… Distance
J’ai abordé, à la lettre B, un premier frein à l’écriture qui est la peur de la banalité. En voilà un deuxième : la difficulté à parler de soi
✒️ Exercice pratique
→ Par quelle période de vie commencer votre autobiographie ?
→ Quelles anecdotes de lycée conserver ? Jusqu’où aller dans le détail ?
→ Que faire des questions sous le tapis ? Faut-il les évoquer dès que possible, à la toute fin, au milieu l’air de rien, jamais ?
Sans doute ne savez-vous pas répondre à ces questions. De mon côté, je ne saurais pas en tout cas. Ou alors en prenant beaucoup de temps et en tâtonnant, comme n’importe qui.
🐦 Le biographe n’est pas quelqu’un qui écrit mieux que les autres. Il n’est pas non plus quelqu’un de plus psychologue qui comprendrait mieux les choses (oh la la, vraiment pas non).
Il est celui qui sait trouver la distance nécessaire pour proposer une écoute active, poser les questions qu’il faut poser, juger que ce qui paraît banal au narrateur est essentiel ; ou au contraire, que la passion de l’oncle Aygulphe pour les oiseaux, on n’est pas obligés d’en faire trois pages même si c’est formidable une passion pour les oiseaux et que cet oncle Aygulphe était sans doute quelqu’un de très bien
Tiens, peut-être que je raconterais cette anecdote moi dans mon autobiographie. Au lycée, un copain de copain s’appelait Aygulphe. Je croyais que c’était un surnom. Un jour, je lui ai demandé : « non mais c’est quoi ton vrai prénom en fait ? ». J’ai eu tellement honte quand il m’a répondu
E… Enregistreur
Voici venu le temps de parler du meilleur allié du biographe : l’enregistreur numérique. Du moins il paraît… En ce qui me concerne, je n’en utilise pas ! Sauf quand je fais des podcasts bien sûr.
😬 Je comprends ceux qui ne commencent pas leur interview sans avoir branché leur dictaphone ou leur téléphone. C’est un moyen, expliquent-t-ils, de se concentrer sur l’instant présent. De prêter davantage d’attention à la communication non verbale de son interlocuteur. De moins stresser si on n’écrit pas assez vite aussi !!
En ce qui me concerne c’est tout le contraire…
Dans la vraie vie, je ne peux pas m’empêcher de pérorer. Alors avoir une phrase de retard quand on prend des notes, il n’y a rien de tel pour laisser le silence parler et ne pas rebondir trop vite sur ce qu’on entend.
En vingt-cinq ans de journalisme, je n’ai enregistré que trois interviews. Deux ratées et une pour la sécurité, mais que je n’ai pas réécoutée. La première m’a traumatisé. Le sujet était complexe et quand je ne comprenais pas quelque chose, je me disais que la réécoute m’apporterait des réponses… Sauf que non. Je n’ai rien compris. J’ai écrit une bouse. J’en ai tiré les conséquences
⚽ En prenant mes notes à l’ancienne, je suis à concentré à 110 % comme diraient les footballeurs (hop, tacle glissé – c’est cadeau). Et puis ça me permet de commencer à écrire le texte final donc je perçois ce qui me manque pour qu’il soit clair ou harmonieux.
À chacun sa méthode. Enregistrer en est une. C’est juste que ce n’est pas la mienne.
F… Finalité
Pourquoi écrire ? On aimerait répondre « pour le plaisir » et passer à la question suivante. Ça semble difficile avec une biographie.
⌨️ Le travail n’est pas le même selon qu’on cherche à laisser un témoignage à ses petits-enfants, à se réconcilier avec son passé, à faire un bilan avant de donner une nouvelle impulsion à sa vie, à exprimer un non-dit trop pesant.
Quant à moi, je vous dirais bien quelle est la finalité de cet abécédaire, mais je n’ai plus d’encre dans mon clavier.
G… Gâteau sucré
J’aurais pu attendre « Madeleine », mais j’ai une autre idée en « M » alors ce sera « gâteau sucré ».
🍰 Dans un recueil de souvenirs, difficile de faire l’impasse sur la cuisine qui dit tant de choses de l’univers dans lequel on grandit. La matinée à écosser des petits-pois ne raconte pas la même histoire que le sandwich triangle mangé devant la télé. Le clafoutis aux pommes (si je ne case pas « clafoutis aux pommes » tous les cinq ou six articles, je suis malheureux) n’évoque pas la même culture que le pancake au sirop d’érable ou que le cornet aux amandes. Un gâteau sucré, ça plante un décor.
🙂 Et puis ce gâteau, il a le même effet dans le recueil que dans une assiette : il donne le smile !
Ce n’est pas pour rien que j’ai mis la cuisine au cœur du premier épisode de mon podcast familial. J’imagine que ça s’entend à leur intonation, mais il fallait voir le sourire des cousins cousines quand ils évoquaient la soupe, l’oseille, la limonade, le pain grillé, la mousse au chocolat… La vie quoi !
H… Histoire
L’histoire est la même pour tout le monde. Mais si elle est systématiquement écrite à la plume d’oie par les rois et les nantis, ne nous étonnons pas qu’on ait une lecture si romantique du passé ! J’ai évoqué ailleurs ce concept de grande histoire avec un petit h, celle que l’on devine en toile de fond d’un récit
☯️ C’est elle bien sûr qu’on cherche lorsqu’on lit des mémoires. Au-delà de la vie de papi-mamie, on a envie de sentir une époque, d’assister à des événements qu’on n’a pas vécus ou de nous replonger dans ceux qu’on a connus… avec un doux parfum de nostalgie et la lucidité du Sage contemporain (je suis en train de lire un roman sur Tchouang-tseu, ça se sent ou ça se sent pas ?)
🚬 Pas plus tard qu’hier, j’ai évoqué avec mon narrateur du moment la paraffine des pots de confiture, les conserves de légumes, les congélateurs-coffres remplis pour tenir l’année… Et puis la Gitane maïs qui embaume la maison, Jacques Martin, l’instit à l’ancienne qui tomberait aujourd’hui au premier conseil de discipline. Pas de date. Pas de bataille napoléonienne, mais de l’histoire. Assurément.
OUF !!!
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