La force du témoignage

Malgré les Pouet pouet Tagada qui concluent la moitié de mes phrases, j’ai bien conscience que se souvenir n’est pas toujours un exercice rigolo. Il est plus facile d’évoquer sa première gorgée de bière que ses traumatismes et l’exercice biographique donne parfois l’impression qu’on cherche inutilement à rouvrir des plaies.

Faut-il le faire quand c’est trop douloureux ? Aucune idée. S’il y a une leçon que j’ai retenue de mes échanges avec des plumes plus expérimentées, c’est qu’un biographe ne doit jamais se prendre pour un psy. Écouter avec bienveillance, oui. Pousser la personne qui se confie à éclaircir des sujets qu’elle ne veut pas aborder, certainement pas. Chacun est libre de se souvenir, d’oublier, de tenter de le faire, de garder certaines histoires sous le tapis.

La force du témoignage

Quand on se met à la place de celui qui reçoit les histoires, le regard est tout autre. Certains secrets de famille grattent un peu l’oreille quand ils sont révélés, mais des remarques apparaissent de manière récurrentes chez ceux qui les découvrent : « au fond, je le savais », voire « j’imaginais pire ». Sans compter les « maintenant, je comprends beaucoup mieux ma mère/mon père/la tante Berthe ».

Surtout, les expériences de vie des autres apportent tellement… Hier, j’ai enfin trouvé la force d’écouter la fin du podcast le plus poignant qui n’ait jamais existé : le témoignage de la vie face au cancer de Clémentine Vergnaud– rien qu’en écrivant cette phrase, j’ai des larmes qui me montent aux yeux. Dix épisodes sont sortis il y a tout juste un an. Comme tous ceux qui les ont eus entre les oreilles, je les ai avalés d’une traite. Six autres ont été publiés fin 2023, après son décès. J’ai tardé à les écouter donc, mais Dieu sait que j’y ai pensé.

L’attente

C’est aussi il y a presque un an que j’ai décidé de prendre un virage pro radical. Et en y réfléchissant aujourd’hui, je crois que la force de son témoignage a joué un rôle essentiel. Je savais depuis un moment que ça n’allait pas. Que je m’endormais. Le problème, c’est qu’on manque souvent de courage pour prendre les bonnes décisions. Alors on attend. Je sais pas ce qu’on attend, mais on attend.

En me disant à quel point sa vie était fragile, c’est comme si cette jeune femme m’avait incité à reprendre la mienne en main de toute urgence. Au-delà des récits nostalgiques et joyeux qui font du bien, les histoires tristes voire dramatiques sont tout aussi utiles. Elles émeuvent, elles aident à comprendre, elles aident à avancer.

PS : la semaine prochaine, le troisième épisode de la série « Quand j’étais môme » que vous pouvez déjà trouver ici et ici.

L'heure de la prose

Olivier Descamps Journaliste, Plume, Biographe

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