On le répète depuis un bail que le bon vieux temps n’a jamais existé. C’est même l’une des premières choses que nous apprennent les profs d’histoire (ben ouais, j’ai fait des études, faut pas croire). Comment se fait-il que la mémoire devienne si souvent un simple prétexte pour critiquer le présent ?
Il y a quelques mois, je l’ai déjà écrit, je me suis rangé à l’idée de créer un compte Facebook. Pour toucher mon public, comme on dit. Bon, clairement ça ne marche pas et c’est un mal pour un bien. J’ai un bon prétexte pour ne quasiment jamais y mettre les pieds ! Quasiment, ce n’est pas jamais et mes rares lectures me laissent pantois. Je me suis inscrit à quelques groupes d’histoire, de mémoire, de souvenirs. On trouve de belles photos, de beaux textes aussi parfois. Mais certaines publications sont vraiment gratinées.

J’enfoncerais une porte ouverte en rappelant que les réseaux sociaux ne sont pas l’endroit où l’on donne le meilleur de soi-même. Que le plus souvent, on n’y va pas pour changer son regard sur le monde, mais parce qu’on a la flemme de vider le lave-vaisselle. Qu’on ne cherche pas à se confronter aux idées des autres, mais à renforcer les siennes. J’aime bien cette formule de Lola Lafon (entendue ici). « On ne lit pas. On s’accroche à un mot et on dit ce qu’on a à dire, c’est très différent ».
Le bon vieux temps
Appliqué à la mémoire, c’est parfois très embarrassant. Quelle a été votre première réaction par exemple en voyant ce cliché (attribué à Robert Doisneau, mais je ne suis pas allé vérifier) ? J’espère qu’il vous a, avant tout, donné le smile et fait rêvasser. Sur Facebook, inutile de dire qu’une telle photo devient d’abord une occasion pour les réacs de tacler à tout-va : avant les enfants savaient se tenir, on mangeait de la vraie soupe, on n’était pas tous sur les téléphones à table…
Bien sûr, on peut se dire que les réactions de Nono135 et de René, ingénieur nucléaire à la retraite, on s’en fout un peu. Mais le problème, c’est qu’on a tous tendance à tomber dans le piège et à suivre le mouvement du bon vieux temps. Là, j’ai été tenté d’écrire que ce biais de la mémoire sélective était propre au monde contemporain par exemple. En réalité, cette relecture orientée du passé a toujours existé. Les historiens savent bien d’ailleurs désormais qu’une analyse historique passée en dit parfois davantage sur l’époque à laquelle elle est écrite que sur le sujet dont il est question.
Tout ça pour dire que j’espère que ma première biographie et mon premier carnet de voyages dans les souvenirs (je vous en reparlerai à l’occase) ne seront pas trop exploités par les réactionnaires de tout poil. Qu’ils feront sourire et rêvasser avant de provoquer de grands débats sur la société contemporaine. Sinon, je rechange de métier.
Pour prolonger la réflexion : ce que l’on cherche dans la mémoire de ses ancêtres
Petit conseil podcast en passant pour les gens de mon coin qui sont abonnés ou pour les amateurs de ruralité : les oies de la discorde de Sainte-Marie sur Ouche : ici