Pas besoin d’attendre d’avoir cent ans pour consigner des souvenirs à partager avec ses enfants ou à relire plus tard. Il y a quelques mois, Sophie m’a raconté son entrée au CP. Une histoire qui sent bon le début des années 80.
Nous partagions la même chambre ma sœur et moi. Chaque soir dans nos lits superposés, mon grand jeu était de faire sauter Magali et son matelas avec les pieds… jusqu’au jour où tout s’est désossé. Mes parents ont eu tellement peur qu’ils ne nous ont pas fait de reproches. À l’époque, on était fans de Tom-Tom et Nana dans J’aime lire. Ils faisaient n’importe quoi et nous les imitions.
Dans le même genre cata, je revois Magali soignant une angine en inhalant de l’eucalyptus une serviette sur la tête. Je lui jette mon ours en peluche. L’eau bouillante se déverse sur son pyjama qui lui colle aux jambes instantanément. Bilan, une grande culpabilité et des brûlures aux genoux qu’elle a toujours. Même si on en rigole aujourd’hui.
David, mon frère a trois ans de plus que moi. Malgré des terreurs nocturnes, il me laisse une image de « grand protecteur ». Avec ce côté bourrin des grands frères. Magali et lui passent leur temps à se titiller. Moi, il me laisse tranquille. Je suis la gentille petite sœur. Gentille jusqu’à un certain point bien sûr. Avec ma sœur toujours, nous profitons d’un week-end pour glisser une lettre anonyme dans la boîte d’une « copine » de classe qui habite le lotissement. Disons un truc pas très gentil où on la traite de grosse et de serpent à lunettes avec des lettres découpées dans un journal. Le lendemain, son père sonne et on a peur qu’il nous tape dessus. Finalement, il se contente de nous faire comprendre que ce n’est pas très urbain. De Tom-Tom et Nana, nous gardons aussi le meilleur. Comme cette fois où l’on a tout rangé dans la maison en posant de petits papiers sur chaque lit. Ce sont des bons souvenirs. À mon tour, j’ai souvent lu des J’aime lire à mes enfants.
À l’école, c’étaient aussi les 400 Coups : une odeur de craie, une maîtresse qui nous tape sur les doigts, une autre qui nous emmène à la plage une amie et moi. J’étais bonne élève. Studieuse. J’ai le sentiment qu’on passait notre temps à apprendre des poésies. Je serais incapable d’en réciter une aujourd’hui.
Marcel et bretelles
Les week-ends sont sportifs. Mon père aime la voile, la rando. Nous organisons des soirées avec une ribambelle de gamins qui aiment jouer à se faire peur. Nous regardons le Voyageur, une série dans laquelle un mec, baluchon sur le dos, se déplace d’un crime à l’autre. Ces rencontres sont toujours l’occasion de découvrir de nouveaux jeux typiques de l’époque : Puissance 4 (j’étais nulle), le Mikado, Docteur Maboul, Hippos gloutons. Les adultes font leur vie et nous sommes livrés à nous-mêmes. C’est quelque chose que je crois avoir reproduit avec mes enfants.
En semaine, la télé est éteinte. Sauf pendant Benny Hill. Nous ne sommes pas forcément au courant de l’actualité. Mes parents – un prof, une assistante sociale – sont de gauche, mais la politique nous passe au-dessus de la tête. Mes rares souvenirs sur le sujet sont plus chez mes grands-parents. Elle est communiste, lui de droite. Après un repas arrosé, les discussions s’animent.
Les vacances, c’est le plus souvent un mois à Sainte-Foy-la-Grande : pêche, baignade dans la piscine à boudins. Ma grand-mère cuisine. Mon grand-père invente des histoires pour nous endormir. Longtemps boucher, il a deux doigts coupés qu’il fait disparaître grâce à des tours de magie. Avec son marcel et ses bretelles, je le vois encore nous faire un signe de croix sur le front avec ces deux doigts coupés au moment de nous coucher. Avec mes parents, nous partons également en camping-car. En France, en Espagne, au bout du monde. Les souvenirs de ces escapades, c’est la musique : Brel, Brassens, Renaud. Les mini-fugues aussi. La chaleur est un bon prétexte pour ouvrir le coffre et se tailler discrètement rejoindre mon frère qui dort dans une tente à proximité.