Soit. Le début de ce podcast n’est pas un modèle du genre. On assiste à une conversation dont on se sent exclu et dont la considération sur les prénoms est un tantinet nébuleuse – si vous n’avez pas le temps, zappez les dix premières minutes – Il se poursuit en revanche par un propos remarquable sur le concept d’identité.
Ce que raconte Rachid Benzine a une portée politique. Je reprends sa phrase géniale : « la France se voit comme un tableau de Rembrandt et elle a la gueule d’un Picasso ». Mais ce n’est pas de ça dont on va parler. Ceux qui veulent débattre du sujet, n’hésitez pas à aller vous écharper ailleurs. Ce qui m’intéresse ici est évidemment l’aspect micro. Que l’on cherche ses racines dans un pays lointain ou à deux pas de la maison, on est tous en quête de sa propre identité.
Il y a un paquet d’années maintenant, Amin Maalouf m’avait aidé à faire un pas de géant dans mes réflexions sur le sujet. Les quarante premières pages de son livre Les Identités meurtrières résument de manière limpide ce que j’aurais aimé penser tout seul, mais qui m’échappait (en résumé, vous lisez la première partie d’un essai et vous enchaînez avec la deuxième partie d’un podcast, c’est pas si compliqué si ?).
The secrétaire perpétuel of the Académie française nous invitait à ne pas nous enfermer nous-mêmes dans une identité : je suis Français ou étranger ; je suis Jurassien ou Dijonnais ; je suis rural ou urbain… J’ai noté cette phrase qui m’avait bien plu : « Ceux qui ne pourront pas assumer leur propre diversité se retrouveront parfois parmi les plus virulents des tueurs identitaires, s’acharnant sur ceux qui représentent cette part d’eux-mêmes qu’ils voudront faire oublier ».
Rachid Benzine dit un peu la même chose, mais de manière plus positive. Il se réfère au philosophe Paul Ricœur et à son concept d’identité narrative. « Nous sommes les histoires auxquelles nous adhérons », explique-t-il. Conséquence, « une identité est toujours inachevée ». Et conséquence de la conséquence, l’identité ne nous enferme pas, elle nous permet en permanence de nous réinventer parce qu’en déménageant ou en faisant rentrer de nouvelles personnes dans notre vie qui vont nous emmener ailleurs, on va se transformer. C’est hyper réjouissant en fait non ?
Conséquence sur le travail biographique cette fois-ci, nous ne sommes pas les seuls à avoir les clés de notre récit. Les enfants ou les amis de quelqu’un détiennent une partie de sa vérité car ils ont un regard singulier pour le raconter et accessoirement pour éclairer sa vie. Gâteau sur la cerise, même la mort ne met pas de point final à cette quête d’identité (ceux qui écoutent le podcast verront que je viens de citer un rappeur que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam et qui a semble-t-il été à la base d’une méga-polémique il y a quelques mois. Comme je n’ai rien suivi, on va dire que je m’en fous). C’est ça qui explique qu’on trouve de multiples biographies sur une seule et même personne. « Il y a toujours un dissensus sur les mémoires, avertit Rachid Benzine. Espérer dépasser les conflits, je n’y crois pas, mais on peut créer des espaces pour qu’il y ait des dialogues ». Là plus de doute. C’est clairement une pub pour mon offre de récits de vie familiaux.