Premiers pas en CP

Un week-end comme les autres. Une bière à la main. Un copain en face. Après quelques échanges d’usage, je sors cahier de brouillon et stylo. En plus de vingt ans d’interviews, je n’ai utilisé un enregistreur qu’une poignée de fois. J’ai toujours trouvé ça décevant alors essayons comme ça. Thomas va se prêter à l’exercice que je lui propose. Il ne s’offusquera pas si je rate mon coup.

C’est la première fois que je teste sur un autre que moi mon concept : racontez vos premiers pas en CP – vous avez une heure.
Thomas me prévient d’entrée – Je n’ai pas beaucoup de souvenirs. Tu parles. Rapidement, une image en appelle une autre. Je l’aide un peu bien sûr. Je l’invite à préciser, à digresser, à faire des sauts dans le temps. Les jours qui suivent cet échange, il me dit qu’il a pensé à d’autres histoires qu’il aurait pu me raconter. Mais conservons celle-là. Quand j’étais môme, deuxième.

Premiers pas en CP

Premiers pas en CP

« Mes souvenirs d’enfance sont plutôt en dehors de l’école : le caté, les copains, les enfants de chœur. On allait ramasser du buis, on préparait les cérémonies, les grands s’inscrivaient à des voyages qui me faisaient rêver bien que j’aie finalement arrêté avant d’avoir la possibilité d’y participer. Même si je ne suis plus catho aujourd’hui, ce sont là mes meilleurs souvenirs.

Dans ma classe, trois fils de boulangers. Chez eux, on se gavait de bonbons. Je les enviais pas mal. En semaine, mon père était médecin et absent. Ma mère au foyer et sur mon dos en permanence. Du moins c’est l’impression que j’avais alors. Eux semblaient livrés à eux-mêmes. Leur père dormait et leur mère occupée car elle tenait la boutique. À Dijon, l’école du Nord était plutôt populaire. Ça me plaisait car je n’assumais pas mon côté petit bourgeois, préférant ramener à la maison des copains de toutes origines et de tous milieux. Mes parents n’appréciaient pas toujours.

Je trouvais cela totalement démesuré. Bien sûr, avec le recul…

Je ne sais plus trop ce que je valais scolairement. Je ne me rappelle pas de difficultés particulières mais c’est plus tard que j’ai le sentiment d’avoir vraiment travaillé. Lors de ma deuxième première, j’ai ressenti de la pression. Mes amis détestaient d’ailleurs mon côté studieux, genre premier de la classe. Eux ne faisaient pas grand-chose. J’ai davantage de souvenirs précis de cette époque que de l’école primaire. Au collège et au lycée Carnot régnait une ambiance de Cercle des poètes disparus. Aujourd’hui, ça me trouble d’ailleurs davantage de passer devant Carnot que devant l’école du Nord. Je n’habite plus Dijon, mais j’aime redécouvrir la ville. Je suis parti car j’ai toujours privilégié les activités sportives dans la nature aux relations sociales. Ça se retrouve aujourd’hui quand on compte mon nombre d’amis d’ailleurs. J’ai fait de la plongée, du parapente, du ski de rando… Et de fil en aiguille, j’ai été attiré par la mer et la montagne où je vis aujourd’hui.

De la primaire, je me souviens d’un instit qui avait eu des ennuis parce qu’il avait menacé un enfant de fessée déculottée et commencé à baisser son pantalon. Ça n’était pas allé plus loin, mais on avait été convoqués un par un, avec nos parents. Sur le moment, je trouvais cela totalement démesuré. Bien sûr, avec le recul… Je me souviens d’autres images qui n’ont aucun lien entre elles, mais auxquelles je peux associer des noms précis : A.D. qui mettait un temps fou à manger, qui sortait toujours la dernière de la cantine et qui était notre bête noire (je ne m’en souviens pas bien, mais j’étais sûrement dans le camp des méchants) ; A.P. qui levait sa jupe pour montrer sa culotte… C’était très curieux. Elle avait conscience de faire un truc osé et ça m’a marqué. D’autres que j’appréciais beaucoup comme C.R. enfin. Plus une fille me plaisait et moins j’osais lui parler, ce qui ne s’est pas arrangé avec le temps… et qui est d’ailleurs assez commun. Ce n’est pas pour rien qu’on a inventé Tinder.

L'heure de la prose

Olivier Descamps Journaliste, Plume, Biographe

Cette publication a un commentaire

  1. Richard

    Super expérience de se replonger dans l’enfance !
    Olivier a su retranscrire mes pensées… au delà de ce que je voulais exprimer 😁
    Je l’ai fait lire à mes parents et mes proches. L’occasion d’échanges plutôt apaisés sur ce lointain passé. Mais ma mère a moyennement apprécié un petit passage. Pourtant, c’était mon ressenti profond qu’Olivier a écrit dans son texte. C’est un peu comme une séance de psy mais que l’on partage pour sortir grandi.
    Merci Olivier 👍

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